Cyrano

Comment on se débrouille, quand on a trente ans et des brouettes, pour monter une pièce avec cinq actes et cinquante personnages, des bagarres et des galopades, un personnage désormais inscrit au patrimoine culturel national, des répliques-cultes (dont celle sur le pic, le cap et la péninsule) et des décors aussi divers que l'Hôtel de Bourgogne, le jardin d'un couvent ou le siège de la ville d'Arras ?

En misant tout sur la sobriété. C'est, en tout cas, le pari de Lazare Herson-Macarel, qui a réuni une douzaine de comédiens pleins de fougue et d'entrain sur une scène meublée de quelques éléments mobiles permettant de créer à vue des tables pour les repas, des balcons pour les serments et des barricades pour les batailles. Seul luxe autorisé : quelques fumigènes et le mariage d'une viole de gambe et d'une batterie, parfaite illustration de la symbiose de l'ancien et du moderne, pour soutenir le rythme de l'ensemble...

Grâce à cette mise en scène épurée, qui tourne résolument le dos au folklore, au pittoresque et au clinquant, c'est toute la dimension politique du texte d'Edmond Rostand qui vous sautera au visage. Car le mousquetaire à l'appendice nasal carrément monstrueux et secrètement amoureux de son inaccessible cousine est bel et bien un idéaliste qui se bat, avec ses armes d'aristocrate du XVIIème siècle, pour un monde meilleur... comme Lazare Herson-Macarel, en somme, qui, avec ses armes d'artiste du XXIème siècle, tente bel et bien de renouer avec le vrai théâtre populaire - pas celui qui vous rabaisse avec des histoires d'amants cachés dans le placard, mais celui qui exalte le sens de la fête et qui déclenche l'enthousiasme. Preuve que, au théâtre comme ailleurs, rien n'est jamais perdu...